L’art et la poétique
Amis poètes bonjour !
Fort de son intelligence inventive, inlassablement, l’Homme se conjugue au futur antérieur et les facettes subtiles de ses projections sont invariablement ouvertes sur son besoin d’altérité. Son rapport au monde est naturellement créatif – il aime, il prie, il idéalise, il ironise, il conceptualise, il théorise, il tue, il pense, il réalise, il s’allie, il lutte, il meurt mais ne disparait jamais vraiment. Ses traces rejoignent celles des aventures infiniment singulières de ceux qui l’ont précédé. La création est son royaume et la nature son jardin. L’Homme est fondamentalement poétique.
Il se pourrait bien que la disjonction la plus profonde de l’Homme avec la Nature se résume ainsi de manière définitive à partir de cette potentialité première, ce pouvoir de créer et partager des expressions inventives du monde à l’infini. Dès lors notre destin échappe radicalement aux tropismes basiques et fonctionnels des compétiteurs mammifères dans la chaîne du vivant.
En effet l’Homme a perdu de facto, son rapport instantané avec le réel et le présent est invariablement vécu comme une perception partielle de toute expérience vitale. Quelque soient nos efforts pour faire abstraction de notre histoire et de nos projets, vivre le temps présent ici et maintenant selon la formule consacrée, nous inscrivons nos parcelles d’existence dans le contexte immense, de nos croyances, des nos convictions et de nos connaissances.
De cette faculté constante de distanciation créative avec la réalité qu’est la poétique, nait une situation totalement singulière pour l’humanité. Cependant, pour comprendre la poétique, il faut la situer dans un ensemble plus vaste du mode pensée de l’Homme qui en fait sa spécificité extraordinaire : la noétique.
La noétique désigne en effet, cette capacité globale de pensée et de représentation des perceptions de la réalité propre à l’humanité. La noétique englobe ainsi plusieurs familles de pensée plus spécifiques sans hiérarchies ni liens de causalités particuliers :
- La logique constitue un monde représentations syntaxiques, symboliques, schématiques ou axiomatiques qui permet la formalisation de théories, de connaissances ou de modélisations des réalités invariablement restreintes fondées sur la rationalité des démonstrations.
- La mystique forme un corpus de représentations métaphoriques, mythologiques ou théologiques des croyances ou transcendances les unes émergeant de nos imaginaires collectifs d’autres se réfèrant à des formes de révélations à propos de la relation entre l’Homme et le cosmos.
- La poétique recouvre des représentations intentionnelles et subjectives des réalités et des volontés que l’humanité décline en permanence pour appréhender ce que la rationalité est impuissante à maîtriser et qui pourtant fonde le sens de toute nos projections, nos créations et nos convictions.
En effet, la poétique est un pan essentiel de la pensée humaine à l’instar de la logique qui occupe néanmoins une place dominante dans nos sociétés actuelles.
C’est par la poétique que l’humanité forge le sens de ses repères et de ses aventures collectives. C’est par la poétique que les Hommes entretiennent un rapport au monde où l’esthétique et l’éthique donnent à l’existence une dimension qui transcende les nécessités fonctionnelles du quotidien.
L’art en est une des expressions les plus remarquables. L’approche poétique, dont la pensée graphique est une forme particulière, déploie une relation syncrétique face aux réalités en appliquant des modalités bien spécifiques :
- La distanciation du réel et une interprétation qui privilégie, par superpositions récurrentes et parallèles, un rapport subjectif et intuitif aux phénomènes et aux situations.
- Une expression condensée faite de représentations à la fois symboliques et abstraites, une sorte de catalyseur pour des interprétations indéfiniment renouvelées.
L’art, reste cependant faiblement présent dans le jeu global des relations sociétales. Cette carence de l’art et plus généralement de la poétique, matrice naturelle de la créativité et du sens, constitue un manque qui prive notamment les acteurs du monde économique d’un levier de développement puissant.
Dans la perspective des mutations profondes des codes et des modèles de nos sociétés, l’art est incontestablement un formidable allié et un accélérateur du changement, s’il est intégré dans les processus d’anticipation et d’innovation. Les œuvres d’art peuvent ainsi jouer un rôle décisif dans ce rééquilibrage nécessaire entre les modélisations logiques de la rationalité et la poétique de l’existence, parce que l’art transcende les discontinuités de la réalité.
Amis poètes bon vent.
Les bruits se font plus sourds entre les vortex du temps lourd
les particules de pensées fines entre les failles de l’histoire se jouent des astres du lendemain
comme dans nos yeux se confinent les allusions sans jeux de mains